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Guerre commerciale : quatre jours d’escalade entre les États-Unis et la Chine
Pékin tient tête à Washington
Trois mois après le retour en force de la rhétorique protectionniste de Donald Trump, la confrontation commerciale entre Washington et Pékin a franchi un nouveau seuil. Cette semaine, l’enchaînement rapide de mesures tarifaires et de déclarations hostiles a provoqué une vive réaction des marchés financiers et ravivé les craintes d’un découplage durable entre les deux premières puissances économiques mondiales.
Un enchaînement de mesures sans précédent
- Mardi, les États-Unis annonçaient une hausse des droits de douane sur les importations chinoises, les portant à 104 %. Pékin réagissait dès le lendemain avec un relèvement symétrique à 84 % sur les biens américains. Jeudi, les autorités chinoises affirmaient leur détermination à « se battre jusqu’au bout », tout en restant ouvertes à un compromis. Vendredi, Washington a décidé de durcir encore le ton avec des tarifs de 145 %, immédiatement suivis d’une contre-attaque de Pékin, portant les siens à 125 % à compter du 12 avril.
- Ce cycle de rétorsions met en évidence l’extrême intensité des tensions sino-américaines. Mercredi, Donald Trump a suspendu pour 90 jours les droits de douane sur des dizaines de pays… à l’exception notable de la Chine. Une décision qui isole davantage Pékin, en réduisant la coalition potentielle contre les pratiques américaines. Face à cette situation, le président chinois Xi Jinping a lancé un appel à l’Union européenne pour « résister ensemble à la coercition ». Lors d’une rencontre avec le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, il a plaidé pour une réponse conjointe en faveur du multilatéralisme, de la stabilité des échanges et du respect des règles internationales.
La guerre commerciale sino-américaine
- D’un point de vue strictement économique, les États-Unis importent massivement de Chine : plus de 439 milliards de dollars en 2024, voire 600 milliards en incluant les contournements via le Mexique ou le Vietnam. À l’inverse, la Chine a importé 143 milliards de dollars de biens américains. Cette asymétrie apparente incite Donald Trump à affirmer que « la Chine a plus besoin de nous que nous d’eux ».
- Toutefois, une grande partie de l’industrie américaine dépend de consommations intermédiaires produites en Chine, notamment dans l’acier ou les composants électroniques. La hausse des coûts de production est inévitable, ce qui fait dire à plusieurs économistes que les consommateurs et les industriels américains paieront une grande partie de la facture. Jamie Dimon, PDG de JP Morgan, évoque même une « récession probable » si les mesures tarifaires se maintiennent.
- Si Pékin a montré une grande fermeté, le contexte économique domestique reste fragile : consommation intérieure dégradée, ralentissement de la croissance (estimée à 2 % en 2025), et marges de relance budgétaire limitées. Néanmoins, la Chine conserve des leviers puissants, notamment son poids dans certains secteurs stratégiques, et une capacité de résilience politique et sociale plus élevée que celle des démocraties occidentales, selon les analystes.
Réactions contrastées sur les marchés financiers
- La volatilité extrême des marchés cette semaine illustre l’ampleur des incertitudes générées par cette escalade. Jeudi, les marchés avaient rebondi suite à la suspension temporaire des surtaxes douanières envers plusieurs pays. Mais la riposte de Pékin vendredi a inversé la tendance.
- En Asie, Tokyo a clôturé en repli de 2,95 %, Séoul a cédé 0,50 % et Sydney 0,82 %. À Wall Street, le Dow Jones a perdu 2,50 % et le Nasdaq 4,31 % jeudi soir. En Europe, les places financières ont effacé leurs gains de la matinée : à 10h45, le CAC 40 reculait de 0,96 %, Francfort de 0,90 % et Milan de 1,06 %. Londres limitait le repli à 0,04 %.
- Dans ce contexte de stress, les investisseurs se sont tournés vers les valeurs refuges : le franc suisse et le yen ont progressé, tandis que l’or a atteint un record à 3 220 dollars l’once. Le dollar, quant à lui, a reculé de plus de 4,5 % face à l’euro sur la semaine. Le rendement des emprunts d’État américains à 10 ans est remonté à 4,42 %.
- Seules exceptions, les places chinoises ont résisté, portées par l’espoir de nouvelles mesures de soutien de Pékin. L’indice Hang Seng progressait de 1,75 %, Shanghai de 0,53 % et Shenzhen de 1,20 %. La Bourse de Taïwan gagnait 2,78 %, portée par de solides résultats dans les semi-conducteurs.
Une reconfiguration des rapports commerciaux mondiaux
- Cette séquence confirme une tendance de fond : les États-Unis semblent chercher à recomposer leur sphère d’influence commerciale, en épargnant notamment l’Amérique latine. La Chine, elle, accélère son recentrage sur l’Asie et renforce sa résilience interne. L’Europe, positionnée historiquement comme une zone ouverte, apparaît vulnérable : d’une part, en raison des possibles détournements des excédents chinois vers son marché ; d’autre part, du fait d’un positionnement encore flou face à la polarisation croissante des échanges mondiaux.
- Ursula von der Leyen a récemment rappelé que l’Union européenne « n’acceptera pas le dumping sur son marché ». Mais à plus long terme, l’Europe devra redéfinir son rôle dans un monde où les blocs commerciaux se structurent autour de logiques de puissance, et non plus d’intégration globale.
Un compromis encore possible ?
- Malgré cette escalade, un scénario d’apaisement partiel reste envisageable. Il pourrait prendre la forme d’un accord asymétrique, avec des engagements chinois d’achat de produits américains (notamment agricoles), contre une réduction progressive des hausses tarifaires. Cette solution permettrait à chaque partie de préserver la face, sans remettre en cause l’essentiel de leurs lignes rouges respectives.
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