Les récentes publications de résultats des géants du luxe, Hermès, L'Oréal, LVMH et Kering, mettent en lumière les contrastes au sein d'un secteur qui subit les turbulences économiques et l'affaiblissement du marché chinois, longtemps moteur de la croissance.
Kering : Une Année Noire en Perspective
Kering fait face à une période difficile, avec un chiffre d'affaires en repli de 15 % sur le dernier trimestre, particulièrement touché par les contre-performances de Gucci. La maison florentine, qui représente la moitié des ventes du groupe, a enregistré une baisse de 25 % de ses revenus, un résultat bien en deçà des attentes. Malgré la simplification de son esthétique sous l'impulsion de Sabato de Sarno, Gucci peine à séduire face aux conditions de marché tendues, notamment en Asie-Pacifique.
Au-delà de Gucci, les autres marques du portefeuille souffrent également. Yves Saint Laurent affiche une baisse de 13 %,tandis que la division "autres maisons" voit ses ventes chuter de 15%. Seule Bottega Veneta parvient à tirer son épingle du jeu avec une légère croissance de 4 %. L'ensemble de ces contre-performances se traduit par une révision des perspectives, anticipant un résultat opérationnel courant historiquement bas pour 2024, qui pourrait se situer autour de 2,5 milliards d'euros, contre 4,7 milliards l'an passé.
Hermès : Une Croissance Sereine
À contre-courant de cette tendance, Hermès continue de performer avec une hausse de 11,3 % de ses ventes à taux de change constants au troisième trimestre. Le fabricant des emblématiques sacs Birkin a généré 3,7milliards d'euros de chiffre d'affaires, défiant le ralentissement du secteur. Hermès bénéficie de sa clientèle très haut de gamme, généralement moins vulnérable à la conjoncture économique.
L'entreprise se distingue de ses concurrents grâce à une stratégie axée sur la rareté et l'exclusivité, ainsi que par une gestion de prix mesurée. La légère hausse des ventes en Chine (+1 %), couplée à une croissance plus marquée au Japon (+4,6 %), souligne une stratégie de valeur plutôt que de volume. En Europe, Hermès a enregistré une croissance de 17,4 %,confirmant une dynamique solide malgré une légère baisse du trafic à Paris en raison des Jeux Olympiques.
LVMH : Une Première Baisse depuis la Pandémie
LVMH, leader incontesté du secteur, a pour la première fois depuis le début de la pandémie publié une baisse trimestrielle de ses ventes, qui s'établissent à 19,08 milliards d'euros, contre 19,96 milliards l'an passé. La confiance des consommateurs chinois a chuté à des niveaux similaires à ceux observés lors de la crise sanitaire, selon Jean-Jacques Guiony, directeur financier du groupe. Les analystes de JP Morgan notent une tendance baissière plus forte qu'anticipée, malgré une attente de croissance de 11 %.
Une Reconfiguration du Secteur ?
L'année 2024 s'annonce comme une période de contrastes pour le secteur du luxe. Hermès continue de surpasser nettement ses concurrents. Kering et LVMH doivent composer avec un environnement économique complexe, exacerbé par les faiblesses structurelles du marché chinois.
L'analyse de Luca Solca, chez Bernstein, positionne Hermès comme une valeur refuge pour le reste de l'année, soulignant sa capacité à maintenir une croissance solide même en période de ralentissement cyclique. Les perspectives à court terme sont ainsi déterminées par la capacité des grands acteurs à compenser les turbulences du marché chinois par une croissance sur d'autres marchés clés.